lundi 1 avril 2013

NOTRE BONNE CHERE TANTE YO




NOTRE BONNE CHERE TANTE YO

 Elle s'appelait Yolande, mais tout le monde l'appelait "Yo," et pour nous les enfants elle etait "Tante Yo"

 Quel gentil  prenom !, jusqu'ici, je ne l'avais guere remarque !  , tellement tante Yo faisait partie de nos vies d'enfants. C'est un petit mot que tous les petits bebes  peuvent dire ., "Yo"  Et c'est ta maman qui a du te le donner  en premier ,  avec beaucoup d'amour  ,quand tu etais tout petite ,afin que tu puisses le  repeter..

C'est un nom unique, pour une personne unique, une personne cachee, douce, secrete, patiente, pudique, serviable, raisonable, sage, forte, detachee du monde.  Une personne d'un autre siecle, d'un autre temps.

Tante Yo etait la 5eme enfant des 8enfants de sa mere.  Tu  devais avoir 3ans quand tu perdis
ta maman , et 8 quand tu  devins orpheline.  Au milieu de toute  cette ribambelle, tu connus peu de tendresse, tante Yo ,  et peut etre tu en avais le plus besoin, mais personne n'etait la pour le remarquer. Tu grandissais seule, avec tes propres pensees, tes propres armes,  tes propres deductions de la vie.  Tu avais  besoin qu'une maman te fasse rire, t'ouvrir a la confiance , que tes yeux puissent briller d'une flamme ., qu'on t'ecoute  et te donne  du temps pour t'epanouir,  Mais cela t'a ete refuse. Tu vivais parmi des orphelins ou chacun tracait son chemin,comme il le pouvait. 

 Pour cacher ta vulnerabilite, tu n'as rien trouve de mieux que d'ensevelir ton moi,; et pour te defendre
 tu avais  adopte cet abord  un peu abrupte et sec qui a du faire s'enfuir plus d'un et te faire mal
comprise  des autres. Mais moi, je ne voyais pas  cela, car moi, je connaissais la vraie tante Yo, du
reste toute   la famille, tous les enfants connaissaient  la vraie Tante Yo.  Mais a cette epoque, on avait peu de phsychologie, on vivait plus avec son 'instinct  et les bonnes manieres de la societe ,  on
s'arretait a des choses sans importance, .on passait a cote de beaucoup de choses,  on passait bien souvent a cote du bonheur.

Tante Yo, n'ayant pu faire de grandes etudes, ne trouva point sa place sur le marche du travail, et a
cette epoque , 1945, la femme appartenant a  la soi disant bonne societe,    n'avait d'autre choix que le  professorat ou le  nursing, car  le choix d'une autre carriere etait inconcevable  pour la societe d'alors. Les grands freres, ou la grande soeur se devaient de   prendre la responsabilite de la fille non mariee, ou de la veuve. On ne badinait pas a cette epoque. Il fallait etre  ma  maman pour traverser des champs de canne  a bicyclette pour aller travailler. Tante  Yo ne l'aurait jamais fait. Aussi elle n'a jamais quitte le cocon familial et  habita chez sa grande soeur jusqu'a sa mort.

Du plus loin que je me souvins, je voyais Tante Yo tres belle, et souvent je me demandais pouquoi
elle ne s'etait pas mariee .   Elle avait une grande reserve naturelle   qui la protegeait de tous les
goujats,  et   son petit ton sec  devait faire fuir plus d'un .  Mais ce n'etait qu'une facade .  Helas,
l'homme  privilegie les conquetes faciles. Tante Yo, etait une forteresse  qu'il fallait conquerir, mais
c'etait trop demander.  Tante Yo ne se maria jamais.

Toutes les vacances , j'etais invitee a passer quelque jours, chez ma marraine, et c'etait avec Tante Yo que je dormais. Chaque matin, elle me reveillait non  pas avec une tasse, mais avec un gros bol  de the. Ce bol etait a carreaux verts, Jamais je ne l'oublierai. Aussitot fait , elle me faisait descendre  du
lit, car elle avait a  faire  sa chambre , avant de vaquer a ses occupations,.

Moi, je restais avec une vieille robe de chambre  des enfants, et aussitot te suivais Tante Yo, ,  car
je ne voulais , a aucun prix, rater le moment de la becquee aux poules et aux  canards  , Tante Yo se tenait sur le perron le plus eleve et jetait les graines a pleines poignees, elle les appelait tous par leurs noms et ils accouraient. Puis, elle s'occupait  du fameux salon, qui   se devait  toujours de briller
comme un miroir  avec l'encaustique d'alors.  Il y avait les deux pianos a queues.avec   les bustes et statues d'alors. Les chaises  etaient de Vienne et entouraient un petite table pliante.

La belle glace de Venise tronait au coin avec sa petite  tablette de  marbre. Tante Yo veillait a ce que
tout soit parfait, et nul n'avait le droit d'y entrer, excepte les  grandes occasions ou toutes les portes etaient alors  ouvertes. La,  elle surveillait tous mes gestes, car elle me savait fort curieuse, et je furetais partout., Dans un tiroir, sous la glace, il y avait  tout un  bric a brac;  a y reflechir aujourdhui,
c'etait a jeter, mais tante Yo, y veillait au grain,  comme un  tresor de  famille.

Tu te rappelles, Tante Yo,  le fameux cabri  de Rodrigues a la rosette rouge  ,qu'on elevait dans la maison,  et qui bouffait tout  papier et  billet de banque qui trainaient, comment  faisais tu?, Tante Yo?, C'etait des cris 'd'orfraie, a chaque fois, juqu'au jour ou il fut decide que c'en etait trop  de garder une bete de cette taille, avec tous les crottins qu'il fallait ramasse.  Maryse en eut le coeur dechire, mais
toi tu respirais.

Tu  te souviens   de tonton Maurice  deja  vieux, qui voulait  se sauver par la fenetre .Et toute  la maisonnee en emoi,  qui essayait de le retenir. .Et Tonton Maurice qui faisait et refaisait  des tours
et des detours autour  du rond de letchis , a la poursuite du chien qui avait commis une frasque.  Et toi tante Yo , comment tu te faisais du souci quand les enfants entraient tous dans la vieille carcasse de la decapotable de la cour , et la faisaient trembler  de toute piece.

Parlez m'en, des fameux gato 4quarts,  fourres a la creme de chocolat et arroses d'anisette, que toi et Charles vous confectionniez a chaque fete. Maryse me racontait comment  elle et Jean retiraient  le
fond amovible , et grignotaient le gato par le bas. Arrive le  fameux  moment , quelle  deception,  !
Il n'y avait plus qu'un semblant de gato.

Tante Yo tu etais la petite souris de la maison, . A tous les accouchements ,toutes les maladies de la famille, les bebes, les petits enfants a garder,  tu etais toujours presente. Tu accourrais ,prete a rendre service, jamais de refus ni de plaintes, tu etais toujours egale a toi meme,. Jamais de rebellions, tu acceptais ta vie  comme elle etait Et nous, on le considerait tout naturel de toi,  Tu etais la seconde maman de tous. ,


Tous les petits enfants de la famille  ont connu tes genoux, et le fameux mot' Tchouc tchouc!"'
quand tu leur donnais le biberon. 

 Bientot des crises d'asthme, fort  penibles, te minerent la vie, On craignait tous pour ta vie, tu etais vraiment malheureuse, d'autant plus il te fallait toujours te couvrir meme  au plus fort de l'ete de peur de tomber malade. Ce n'est qu'apres un pelerinage  au Pere Laval, que tu  retrouvas  la sante .

Un jour je me penchai pour voir sous ton lit, je decouvris alors une multitude de petits pots que tu gardais pour les achards et confiture , C'etait une petite manie que tu avais developpee, nous nous en avons bien ri,  il a fallu bien des annees pour que tu t'en debarrassas.

Quand Marraine tomba malade, c'est tante Yo qui s'occupa entierement de la cuisine; anxieuse de joindre les deux bouts, elle surveillait quand les prix de certains legumes  baissaient, pour en faire des provisions pour toute la semaine.  Les enfants qui etaient devenus adultes, ne faisaient aucune remarque.  Mais voila que lors d'une fete, Jean le malotru, ne trouva rien de mieux pour amuser  la galerie   que raconter les aventures de la cuisine de Te Yo, tantot la semaine des chouchoux, en fricassee, salade. sauce blanche, curry et puis c'etait la semaine des choux ainsi de suite,  Pauvre tante Yo,elle ne savait plus ou donner la tete.. Mais c'etait sans mechancete, Tante  Yo.  Pardonne nous.

A la mort de marraine, tu viens habiter avec maman, naturellement , car elle etait veuve . Avec le caractere de maman, je pense des fois que ce n'etait guere facile,  car elle prenait autorite, 
Tu as du passer l'eponge bien des fois. Mais bientot Denise eut besoin de sa maison; et vous
habiti ez   une campagne avec les deux enfants qui restaient,  Charles etant decede,,Jean  parti avec Monique pour le Canada, Joyce en Australie. Il ne restait plus  que Maryse et Denise.

Tte To et maman demenagerent a Phoenix et partagerent la maison de Berthe. Je pense que cela fut
un vreritable exil  et   tres penible pour vous, qui aviez vecu tant d'annees ensemble dans la meme cour avec  des enfants toujours presents autour  de vous, qui aviez tout partage les joies et les peines,
les deulis, les mariages ,les anniversaires, les departs.  Ce fut un mouroir pour vous,  , Nul d'entre
vous y a resiste,.a cet arrachement de tout un passe.

Souvent je venais passer  des journees avec vous.  Je pensais que tu etais vraiment seule,  car
maman  deja atteinte par la maladie, dechiree par les separations,  se perdait dans ses pensees,
et ne desirait  que  partir pour voir Gerard ,Huguette et Monique,     Elle etait tres a cote de toi,
pauvre Tante `Yo  et je crois fort bien que tu t'es laissee mourir, ayant perdu le gout de vivre.

Ayant entendu que tu etais malade, je decidais de te  rendre visite, quoique tardivement, et je notais alors  ton teint jaunatre et comment mon doigt faisait une marque sur ton pied.  Te Yo, m'affirmait elle  que le medecin etait venu, qu'il lui avait donne une ordonnance;.   qu'elle souffrait d'une gastro .
,
C'etait Lundi, et Mercredi, les medicaments n'etaient pas  encore achetes; elle m'affirma, que le lendemain les medicaments  seraient  la, Je lui promettais alors une bouteille de jus de carottes,pour vendredi.  Ce jour la  une pluie torrentielle  tombait. Et a mon arrivee, je notais que le teint de Tte Yo
avait encore change,. Affolee, Je lui disais , qu'elle devrait être admise,  mais elle me repondit  d'un air las :  "Laisse moi mourir.",-- Je hurlais  'Non.!...'     Je lui demandais ou sont les medicaments ?, elle me repondit qu'Adrien etait parti pour les acheter, j'etais comme horrifiee, et maman qui deambulait  comme une ombre et disait qu'elle avait le meme visage  que marraine le jour de sa mort, Je hurlais :   "c'est quoi, ca,!, vous vous laissez mourir  ! "

Je t'emmenais tout de suite a l'hopital, et la bas, j'oubliais de dire ce que j'avais appris que Tante Yo faisait des piqures au dispensaire trois fois par semaine;  , quelles piqures, personne n'en savait rien .
Ne voulant donner des soucis a personne, elle avait cache sa maladie, estce le diabete?, elle ne
pouvait repondre.Mais je remarquais ces 2 lettres al.d.=almost dying. Je passais une journee affreuse,et retournais  a l'hopital, et la j'ai note que son teint etait  alors devenu violet, je criais   a la nurse , de  faire venir le medecin, et Tante Yo  demanda le pretre.

Je lui demandais une analyse de sang, il a fallu  encore attendre, puis  changer le serum, J'ai eu alors tres peur.

Comme de malchance,  toutes les lignes etaient abimees  avec l'orage, impossible de joindre qui que ce soit,  J'ai pense alors a Rene et Yvy, et ils vinrent tout de suite, Je decidais de passer la nuit a l'hopital et la nurse m'invita a rester sur  un banc sous une varangue ouverte .

A 9.30p.m., je vis un branle bas dans la salle, c'etait le coeur qui flanchait, on essaya tous les procedes, mais peine perdue, Tte Yo etait deja partie, J'essayais encore une fois d'avertir Maryse et Denise, mais elles ne pouvaient venir. Alors Rex vint chercher le corps avec Romane, Tte Yo fit son dernier voyage
sa tete sur mes genoux, et les pieds sur Romane. Et  la veillee  funebre se fit entre   4 femmes seulement..

C'e fut  une fin assez triste pour toi, qui t'es tant sacrifiee pour toute la famille. Mais parfois, on n'y peut rien contre les circonstances de la vie,et que peut etre  elles  le sont  ainsi,  pour des raisons que seul
le Createur connait.

Apres quelques mois, , on decida de faire l'inventaire de la fameuse corniche qui etait bondee. 
On decouvrit alors que tante Yo , y avait  range  tous ses presents depuis plus de 50ans ; 
elle n'avait touche a aucun, et les avait laisses la  ou peut etre elle ne savait quoi faire,d'eux, elle n'en voyait pas le besoin.,  J'eus le choix alors de prendre ce que je desirais, je pris alors sa vieille eau de Lourdes, un petit caniche en verre avec un petit ruban rouge, qu'elle aimait particulerement, et qui etait toujours derriere sa machine a coudre , et aussi un sac noir en ' scoubidou. ' Seul le sac est encore present.

Et voila, ma chere et  bonne tante Yo, ton histoire, telle que nous l'avons vue de nos yeux, mais je suis sure, qu'il y en avait une autre , que nous ne connaissions pas;   que  si tu avais ouvert ton coeur, tu aurais  peut etre ete plus heureuse.

Tante Yo, tu etais un livre secret. Nous les enfants , nous n'y prenions que ce qui nous interessait.
Tu as enfoui ton moi pour pouvoir te donner aux autres , vivre une vie vecue pour les autres
et un jour tu't'es retrouvee dans un desert. Tu n'as plus voulu vivre, et tu en avais perdu le gout. 
Toi et maman vous etiez  des deracinees , trop vieilles  pour  recommencer une autre vie, dans un autre decor., loin de tout ce qui avait fait votre vie.


Merci tante Yo pour tout ce que tu as fait pour nos familles,, pour tes freres et soeurs, ; merci pour ton devouement, tes petites attentions, ta fidelite, ton coeur d'or . Merci d'avoir ete la quand  nous avions besoin d'une presence, de nous avoir tenu les mains quand nous etions malades.   Merci pour tes gato4quarts et tes bryanis.  

Tu n'avais que nous dans ta vie;, tu as vecu de notre vie, et tu ne savais pas vivre pour toi
Chere et bonne tante Yo,  j'espere de tout coeur que la ou tu es , tu connais le bonheur sans fin avec tes freres et soeurs,Tu es reunie a ta maman et a ton papa.

Et moi, de tout coeur, je te serre dans mes bras, te donne un gros  pros bisou.
Je t'aime tres tres fort, , ma chere et bonne tante Yo et te dis a bientot.

 Vraiment  comme dit mon epitaphe sur ta tombe :
                  "Comme cette fleur, tu vecus cachee."                                     Arlette,
                                              ............................

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire