A NOTRE CHERE BONNE MANIME d'Arlette, de Stephanie

24 Novembre 2000

A notre chere bonne Manime, qui a partage toutes ces annees notre vie commune.

En remerciement pour son grand amour, sa presence fidele, ses soins constants et sa grande generosite pour chacun des membres de sa famille.

Pardonne nous Manime de t'avoir mal aimee, mal comprise bien des fois,  Pardonne nous notre ingratitude.

Puissent ces quelques pages, nous aider a reflechir sur nos facons d'agir et en changer certaines.

Puisses tu enfin recolter les fruits de ta vie toute donnee aux autres. La tendresse,les petites attentions que tu aimes tant, le respect et le bonheur que tu merites.

Que Dieu te garde et te benisse, qu'Il guerisse tes blessures et t'accorde la sante dont tu as tant besoin.

Ta belle fille affectionnee

Arlette

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Comment comprendre Manime?

Comment raconter Manime, sans m'y perdre, sans me tromper.

Manime genereuse,  Manime maternelle, Manime attentionnee, Manime agressive, Manime chiante, Manime blessee ,blessante, Manime seule, souffrante de mille douleurs de la vieillesse, Manime devorante, Manime contrariante, Manime exigeante, Manime criant son besoin d'etre aimee, d'etre reconnue, Manime regrettant son passe, ne comprenant plus le present, Manime faisant payer a tout un chacun son mal de vivre.

Manime excessive, bruyante, s'aggrippant a tout, deversant le trop plein d'elle.  Manime voulant vivre, desirant  mourir.  Manime voulant etre heureuse.

Manime femme battante.

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Il est 5hrs, un vendredi - le telephone sonne, une voix enrouee, devenant petite avec l'age est au bout du fil, une vois anxieuse:  "Hello  !  Hello  !  Rex est la ?  Arlette? Arlette ? Rex va venir me chercher.  ?"

Plusieurs fois,la question se repete a chaque sonnerie.  Suspendue au fil, elle attend la meme reponse.

"Oui, Manime,  Non , Manime, Rex va venir vous chercher ."

"Bon, alors !. Je l'attends , hein !."

"Oui, Manime."

C'est comme si toute sa semaine etait tendue vers cet instant ou son fils viendra la prendre pour le weekend.

Tot ,lematin, elle a deja prepare son petit sac avec tous ses effets personels.  Mais, elle attend le dernier moment ou l'auto va demarrer, pour aller dire un dernier bonsoir a tout un chacun, dans toute  la maison, au grand dam de Rex qui s'impatiente : "Ayo  !.".  Elle s'en va de son petit pas  lent-   klik- klok- sans se soucier des grincements de dents. Derriere elle, tous respirent:  "Ouf!  enfin on aura la paix  !."

Aussitot a la maison, elle s'assoit a la table de la cuisine et commence la sempiternelle complainte:

" Je suis seule, je n'ai pas de TV  (avec sa vue mauvaise , elle ne peut  suivre),chacun  se terre  dans sa chambre, ma langue se desseche dans ma bouche."

L'un la rabroue,

L'autre mange toutes les bonnes choses de la maison .

Son gendre est muet. La derniere prend toute l'affection qui aurait du lui revenir, a elle qui s'est sacrifiee pour tous.

Elle n'a qu'un petit appetit, un petit bout de pain grille le matin (elle en mange 3) , (c'est faux)  le soir seulement elle dine. Mais c'est elle qui prepare le diner pour soulager sa fille de ce fardeau. (elle est une fine cuisiniere ).

"Pas de reconnaissance  !  Pas de reconnaissance  !.  "

Son visage se fait hargneux, bute ; la souffrance donne a sa bouche un rictus.  Elle tape d'un mouvement saccade son petit pied.

"Vous allez voir, vous aussi vous deviendrez vieux !, moi, je veux vivre pour voir cela."

Attendez voir un peu,  aujourdhui ou suis je?.... dans le vent . (reproche de toujours ),

Je suis dans un fauteuil toute la journee.

Je regarde, je regarde.

Ma maison est devenue un couvent, ou tous les pauvres sont accueillis,

Et moi,?  et moi,   ?  Personne pour me faire une tasse de the, pour me preparer un repas chaud

(c'est faux, il y a la servante).

Elle fait alors le bilan de sa vie.  Afin de garder ses  petits enfants, elle a refuse toute sortie, et maintenant , personne ne la sort plus.  Elle est en penitence.

"Ne me parlez pas du 3eme age, de ces cancanieres, qui vont deci, dela, au lieu de rester chez elles, ces hommes, ces femmes,  plus de leur age qui vont danser."

Et puis, elle change:

"C'est ma faute ! c'est ma faute  !, j'ai ete une imbecile, je n'ai pas su profiter de la vie.  Il faut etrangler les enfants des leur naissance.  Ce  sont des ingrats, des indifferents.  "

"J'aurais du me marier, mais je les aurais assasines tous ces hommes, si jamais ils m'avaient manque, Jamais rien sans rien.  Ils auraient paye jusqu'au dernier  ! Ah  !...."

                                                        

                                                            II

"Ah! La beau temps ! Ou est ce beau temps ? Ou Claude le Pere de ses enfants  la rendait heureuse  ?."

"J'etais comme un poisson dans  l'eau."

Desirait elle l'argent, il ouvrait son coffre fort et lui en donnait  une  liasse.

Chaque mois, tous ses medicaments et fortifiants etaient sur sa table.

Son parfum venait de Paris.

Les meilleurs fruits etaient dans le panier.

Toujours un gros quartier de cerf pour toute la famille.

Elle etait vraiment gatee.

C'est sa faute a elle, si elle a fait son malheur.

Des fois elle l'aimait et en parlait en riant.

Des fois elle le detestait.

Des fois, il avait toutes les qualites, et puis tous les defauts.

Etait ce l'amour qu'elle avait pour lui  ?

Je pense qu'elle a du reagir comme une enfant gatee qui l'asticotait, le fatiguait.  Elle devenait confuse dans ses sentiments.

Car elle avait decouvert que jamais, il ne l'epouserait, elle demeurerait celle dont on a honte.  La fille de l'ouvrier avec le fils du patron dans une epoque coloniale pleine de prejuges. Elle lui en voulait de tous les changements de sa vie, les abandons ,  sa carriere brisee, qui sait ?- son premier amour quand il lui avoua tous ses complots.

                                                                              III

Remontons a la jeunesse de Manime pour comprendre.

Manime vivait avec ses freres et soeurs , avec Maman Coco qu'elle aimait plus que tout au monde et son papa Pade, un ouvrier qualifie sur une grande propriete.

Combien elle etait heureuse a l'epoque. La maison recouverte de chaume était  vaste, bien construiite , aeree, .

Chaque dimanche ,c'etait un devoir, toute la famille marchait de St Antoine a Poudre D'Or pour assister a la sainte messe.  Au retour, Manime agee de 12ans  faisait  la cuisine :  ..... l'unique plat de viande de la semaine avec une fricassee de choux, tandis que Maman Coco raccommodait tout le linge de sa petite famille.  Il faut ajouter que la veille, le garcon du boucher  avait suspendu au crochet de la porte le fameux morceau.

Tres proche de sa maman, elle recueillait tous ses secrets, ses souvenirs, sa vie d'orpheline malheureuse;   Manime gardait tout cela dans son coeur et les revivait souvent.  Elle faisait tout  pour plaire a sa maman.Elle surveillait ses petits freres et soeurs et affectionnait particulierement  Mignonne

dont elle etait la marraine.

Pade avec les ans subvenait tres bien aux besoins de sa famille.  La grande cour foisonnait d'arbres fruitiers de toutes sortes : jamblons, mangues, bilimbis, jacques.  Les poules et les oies pondaient a meme le sol dans le feuillage epais.  Les oeufs etaient si nombreux, disait elle, qu'il fallait regarder ou l'on y mettait les pieds.  Le soir, toute la bassecour se haussait a grand bruit sur les branches basses des arbres.  Il y en avait un, dont on ne voyait plus les feuilles, tant il y avait de poules nichees.

Pade tenait aussi un elevage de porcs, et chaque Decembre, le plus gras etait occis avec une lance enfoncee dans la gorge.  Le sang etait ensuite recueilli pour le boudin.  Il confectionnait lui meme ses saucisses, qu'il vendait ensuite aux voisins.  Le reste suffisait a sa famille.

Quand aux poissons, le marchand en donnait tant , que Manime fatiguee de les ecailler, en faisait disparaitre certains.

Banane! Banane!...Quelle fete pour petits et grands.

D'abord les enfants portaient tous des vetements neufs et recevaient des presents.  Et puis les fetes se succedaient, quelles ripailles!... Les dejeuners n'en finissaient pas, avec les memes plats dans les familles.

D'abord le premier plat :   la salade de pomme de terre

                          avec le roti de boeuf et l'achard de legumes

2eme plat:   le macaroni gratine au corned beef

3eme plat:   le vindaye de poisson

4eme plat : le poulet au curry

Enfin le dessert

C'etait bonne annee par ci   ! bonne anne a tout un chacun  !

L'obligation primait au garand dam des pieds que pincaient les chaussures neuves.

La semaine d'ensuite, les ouvriers respectueux se succedaient a la maison, le rhum coulait a flot, les provisions aussi s'amenuisaient, ce qui ne palaisait guere a Maman Coco, et de meme la vue de son epoux hilare, chaque jour.

Diners inoubliables, ou un Sieur Jimmy , bon coeur, invitait tous les jeunes a festoyer chez lui au son de l'harmonica.  Quelle aubaine  ! Enfin l'opportunite se presentait pour faire plus ample connaissance,  Les amours s'echaffaudaient. Lui, se contentait de les voir danser et etre heureux. Tapant dans ses mains, il donnait la mesure avec ses pieds.

La 'Fete du Roi", les bals 'Ran zaricos ', parlez m'en !,  On ne s'ennuyait guere.  Les demandes en mariage dont on rigolait en cachette le ridicule.   Les morts subites,   les cas de sorcellerie,   les habitants de Roc en Roc,  le grand accident de Pailles qui fit de nombreuses victimes,   la revolte des laboureurs,   les epidemies de malaria,   de coqueluche,  l'histoire du dhobi,   evenements qui ont marque sa vie.

Manime nous racontait aussi ses sejours au couvent de Poude D'Or, la religieuse qui l'affectionnait.  La bas les repas se succedaient  identiques chaque semaine, le dimanche   le fameux curry de lapin , qu'elle execrait - souvenir de tetes aux cheveux coupes tres court, ainsi que les longues robes et voiles.

Heureuse, innocente, elle grandissait.  Dans son coeur, elle desirait tres fort devenir institutrice et pour cela avait commence des cours-  Mais le destin etait la qui ferait tout basculer.

Comme toute jeune fille belle et attirante, elle plaisait surtout aux amis de son frere.  Pour son anniversaire, Maman Coco, decida d'organiser une fete dansante et invita les amis de Pierre.  Ce soir la, elle dansa beaucoup avec l'un d'eux, garcon serieux et de bonne famille.

Mais, voila, que le pretre de l'endroit avise par un paroissien, sans doute jaloux, vint furtivement jeter un coup d'oeil.  Vexe de cette fete innocente, il s'en prit a MamanCoco. :

"Vous voulez donner des maris a vos filles.  Quel scandale !."

Maman Coco qui n'avait point la langue dans la poche, le rabroua vertement.

Furieux, il s'en alla.  Le lendemain, il se presenta au proprietaire et lui annonca que quelque chose de grave s'est passe la veille chez cette famille.  Il y a eu un bal, on faisait un bruit d'enfer, qui derangeait tout le voisinage. Enfin le mot !- La dame cherche des maris pour sa fille.

Connaissant le serieux de la famille, le proprietaire prit aussitot leur defense.

"Foutez les dehors  ! Foutez les  hors  de l'etablissement" - Dans son esprit  tortueux, la famille etait devenue  infrequentable.

Claude le fils, appuya son Pere : "Vous vous etes trompes, cela ne se peut  !.. ". L'homme fou de rage s'en alla.

Il n'en avait pas fini.  Le Dimanche  d'ensuite, apres la messe, quelle ne fut la stupeur de la pauvre Manime, l'homme l'apostropha et eut des gestes fort inconvenants'  Il lui reprocha que sa mere lui cherchait un mari dans ce bal.

Quant a la malheureuse, elle perdit la parole.  "Apres Dieu,c'est le pretre , " lui avait appris sa mere.  Mais la sa croyance en  fut nettement  ebranlee.

Entretemps le fils du proprietaire, la trentaine passee, qui avait des vues sur elle, s'etait jure de la posseder.  Il commenca a discuter de ses plans avec son ami.

Tous les jours, il se faisait un devoir de lui faire un hello;  elle candide lui repondait,  mais ne s'en faisait pas plus.

Le facteur un jour ,deposa une lettre de son petit  ami  dans le bureau du fils pour lui etre remise.  Il l'intercepta et la lut. C'etait un rendez vous amoureux.  Craignant de perdre Manime, il lui repondit illico,  qu'il perdait son temps,  car Manime etait deja sa femme.

Pauvre Manime  ! Son petit amoureux vint quand meme.  Il ne lui avoua rien de la lettre recue.  Mais, il lui ordonna de ne pas fermer la porte de sa chambre et de venir le rejoindre le soir meme.

Naturellement furieuse, elle n'en fit rien.  Le  lendemain oubliant tout, elle vint gentiment lui  offrir une tasse de the.  Brutalement, il la repoussa et lui reprocha durement de lui preferer le mari blanc.

Ne  comprenant  goutte,  la malheureuse alla repeter la chose a sa mere, qui ulceree, lui enjoigna d'oublier ce garcon.  "Comment a t il pu oser ?..." Cela lui fit vraiment mal.  Elle decida de le rejeter de ses pensees.

A quelques jours de cela, alors que Manime pedalait a bicyclette, elle rencontra la voiture du  fils,

il l'aborda et lui offrit de faire une balade en auto.. Mal lui en prit,  dans sa candeur et le gout de l'aventure , elle lui repondit : "Quand vous le voudrez."

C'etait tomber dans la gueule du loup.  Homme d'experience, ayant vecu longtemps a l'etranger, il n'en fit qu'une bouchee de la malheureuse.

Chaque soir, elle partait rejoindre son amoureux, sans que ses parents le sachent, et c'est ainsi qu'elle

decouvrit la maison de riche.

Maison aux 20chambres et 20 lumieres,

La chambre aux matelas... - matelas qu'on echangeait chaque semaine.

Les chaussures miroitant, s'alignaient , chaque jour une paire differente.

Les bons parfums

Les draps blancs  comme neige sentant le vetiver

Les repas servi par un boy tout de blanc vetu.

Un poisson entier chacun, pour le repas..

Toutes ces choses l'emerveillaient.  Elle buvait toutes ses paroles comme du petit lait et faisait son apprentissage de femme.

Bientot elle tomba enceinte et dut avouer le pot aux roses a ses parents.  Le scandale eclata au grand jour.  Pade honteux menaca de la tuer, tant il en avait honte devant ses collegues de travail.  Mais MamanCoco, comme toute maman ne pouvait laisser tomber sa fille,  On fit des arrangements.

A l'ecole, ce fut pire, le maitre d'ecole harangue par le pretre fut obliger d'agir. : "Elle doit demissioner."

Pauvre Manime  !. A cette epoque, le professorat et le nursing etaient les seules carrieres reconnues par la societe pour les femmes.  Son metier lui fut arrache pour toujours.  Elle ne s'en remit jamais, et se mit a detester tous les pretres des ce moment.

Manime vivait sa situation tant bien que mal.  La naissance de sa fille fut bientot suivie par celle d'un fils.  Leur venue causa beaucoup de palabres.  Tous les habitants,nous dit elle, voulaient voir les enfants de pres, car ils etaient fort beaux.

Manime bonne couturiere leur confectionnait de beaux vetements et les promenait fierement en 

pousssette les apres midi.

Le grand cyclone de 1945 marqua la vie de Manime.  Les fortes rafales de vent emporterent non seulement le toit de la maison,mais aussi toute la layette de bebe. Mon epoux dut se contenter des vieux vetements de son pere;  peut etre que c'est a cela,   jamais il n'eut des mots durs a l'encontre de son pere.

Manime resta dans l'eau 3 jours  durant sans aucun abri.  Elle eut une suite de couches et tomba dans un coma plus d'une semaine.  Des suites de cela elle devint  une asthmatique chronique, ce qui  la fit beaucoup souffrir.  Ce n'est que quelques annees de cela qu'elle retrouva sa sante.

Son compagnon lui donna les meilleurs soins.  Mais la vie changea son cours.  Pade eut sa demission et obtint un poste sur l'etablissement de Reunion.  Toute la famille bougea..

Quant a Manime ,Claude  lui acheta un lopin de terre en lui recommandant de ne jamais ceder son terrain  avant sa mort.  Elle n'oublia jamais ces paroles et bien souvent nous reprocha nos manques de reconnaissance.

Le temps passa,  Il venait les weekends, .Mais c'etait loin -  Comme on dit : "Loin des yeux, loin du coeur !." Manime changeait, elle se rendait compte que jamais il ne l'epouserait.  Il etait  bien  plus age.  Peut etre qu'un sentiment d'amertume lui rongeait le coeur.  Comme une enfant gatee,  elle demandait plus pour  ensuite partager avec ses freres et soeurs qui etaient dans le besoin.  Ils deciderent de mettre fin a leur relation.

Mais Manime etait blessee au plus profond d'elle meme.  Elle avait appris comment il avait intercepte

la lettre de son petit amoureux, mais aussi sa relation a l'étranger  avec celle qui devait devenir sa future femme.

Je crois que Manime decouvrit l'horreur de la trahison et les derniers sentiments qu'elle pouvait avoir pour lui subirent  un rude coup. Dans son coeur  se lova  une haine feroce.

Entretemps, Pade se retira. Ne sachant ou aller, Manime bon coeur, vendit tous ses meubles, pour donner asile a sa chere maman et  a son pere.

Claude pourvoyait au loin aux besoins de ses enfants.  Mais Manime vecut des moments difficiles, ou elle dut  se priver des fois de nourriture pour en donner  a ses enfants.  De meme, n'ayant plus de charbon pour cuire ses repas, elle se servit de vieux journaux pour alimenter le feu. A l'ecole les enfants allaient  toujours propres, leus vetements bien repasses, les chaussures de tennis blanchies chaque jour.

Bientot Claude voulut refaire sa vie, avec quelqu'une de son milieu.  La dame ayant eu vent de son ancienne liaison resolut d'avoir le coeur net. Elle alla s'enquerir aupres des enfants a l'ecole,  Honteuse, sa fille declara que son pere etait quelqu'un d'autre, mais mon epoux qui etait deja un rebelle, lui dit au visage l'eclatante verite, Tout projet  tomba a l'eau..

Manime pensa alors a poursuivre Claude en justice et avoir quelquechose pour ses enfants.  L'avocat contacte par l'ex decida de lui faire la proposition.  "Que prefere t elle l'argent ou le nom ?."--  " Que ferait elle du nom ?, se disait elle. Je desire l'argent repondit elle.  Elle retira sa plainte, car au fond elle avait pitie de lui.  L'argent  elle le  partagea avec les siens.

Ses enfants furent eleves comme de petits princes,  nous assure t elle.  Elle les eduqua strictement, a la baguette.  Aujourdhui malheureuse, demain surement heureuse, ils le lui rendront bien.  Elle sera heureuse, elle se le promit.

                                                         IV

Quand je fis la comnnaissance de Manime, c'etait une femme amere, elle etait empoisonnee par sa vie ratee, par cet homme infidele. Aimant, haissant, elle ne pouvait le pardonner.

Rejetant les nombreuses propositions de mariage qui suivirent, car elle avait ete fort belle, elle craignait qu'un nouveau venu veuille   s'approprier de  l'heritage de ses  enfants

Sa solitude etait affreuse.  Elle doutait de tout, faisait des  bagarres pour rien, se revoltait contre tous les pretres, "qui avaient mis de la terre dans son assiette."  Tous les hommes sont des traitres, un homme comme un autre qui pourrait desirer une femme.  "Impossible de la raisonner en cela.  "

Manime pensait a chaque  fois que la couleur de sa peau etait l'obstacle. Et a chaque fois qu'elle donnait avec son coeur, elle reprenait le tout par des paroles blessantes,  Autodestructrice, autoritaire, vraie despote, possessive, epouvantable, je dirais, elle detruisait, rejetait tout ce dont elle doutait.

J'eus mon fils. Manime se l'appropria. Ce fut un temps tres dur pour moi, mais je prefere ne pas m'y appesantir.  Elle l'aima avec le meme esprit de possession.  Ce fut un cadeau, un soleil dans sa pauvre vie, car Maman Coco n'y etait plus.

"Maman Coco ! ' elle y parle souvent de sa grande affection.  On voit bienqu'elle a ete un phare dans sa vie qui l'a empechee de sombrer.

Mais   sa solitude est immense, son ressentiment terrible.  Elle a tout donne a ses enfants, au soir de sa vie, elle se retrouve les mains vides avec sa souffrance de vieille, ses os qui craquent, ses pieds que l'arthrose paralyse un peu plus chaque jour.

"Besoin de piriton  !  Besoin de panadol  !, je ne dors plus, j'ai des angoisses, je dois tout demander et n'ose le faire. "

Alles et venues chez le medecin qui lui apporte un peu de securite.

La pension que les enfants lui donnent, elle paie sa servante, sa pension a elle, ne nous demandez pas avec qui elle le partage?.  Manime n'a jamais pu gérer  l'argent.  Elle aime les gateries, qu'elle partage ensuite avec les siens, ne gardant rien pour sa personne.

"Je n'ai jamais aime danser, je n'aime pas me fatiguer, pas d'extravagancechez moi, toujours a mon poste quand les enfants entrent de l'ecole, de leur travail. ..Ecraser l'ail, le massala, jamais dela vie  ! - categorique sur ce point-  Mais le repas chaud?....

Parlez m'en  !.  Ce fut mon cauchemar des annees durant.  Depuis que je la connais, elle s'en soucie et l'importance qu'elle a donne a cela m'a vraiment agacee---, "L'heure de mettre le riz!. Ou que l'on soit, elle y pense.  Il faut rentrer vite, tout quitter pour faire ce repas chaud, meme si on est loin. Et personne n'ose la contrarier sur ce point. Moi, je me  revoltais , cela gatait notre plaisir, car moi, je me contenterai  bien d'un petit sandwich.

Ici, a la maison, quand elle a fini de raconter ses petites miseres, elle somnole, fait ses prieres et se rechauffe au soleil.

Mais la bas, elle leur mine l'existence, tandis qu'elle affirme qu'on ne fait rien pour elle, on ne lui parle plus.

                                                            V

Manime ne se rend plus compte quand elle parle toute seule, desire encore diriger, donner son verdict, morigener les ecarts de ses membres. Elle est une femme entiere, droite comme un' I  ",

Elle l'affirme avec force, elle parle comme elle le pense, meme si elle se trompe. Impossible de la contredire.  Tout se fait silence, quand elle parle.

Sourde d'une oreille, elle ne laisse rien s'echapper, meme si elle deforme tout, elle n'en a cure, elle existe , cela vous ne pouvez l'oublier.

Pas plus tard qu'hier , elle disait : "A quoi cela me sert de vivre ?, je suis supposee sourde, personne ne desire converser avec moi, et pourtant j'entends bien des fois " (cela c'est selon l'oreille).  Alors elle converse tout haut avec toute la hargne, la rancune de sa vie gachee, pour gacher a son tour la vie des autres,   pour compenser le bonheur, qu'elle n'arrive pas a saisir dans la vie.

Manime n'a pas la paix en elle.  Elle est profondement malheureuse.  Peut etre a l'aube de sa 

jeunesse, un homme aurait pu la rendre heureuse.  Mais apres cela, elle aurait ete incapable d'aller au bout de l'amour, ne pouvant plus faire confiance.

Vivre la passion avec le mot  ' Fin  ' peut etre. Mais trop blessee dans ses sentiments intimes, elle n'aurait pu accepter les faiblesses d'un autre homme. Sa vie a bascule pour toujours.

Mais de l'autre cote, elle demeure la petite Manime de jadis, aimant les calins, les mots gentils, la presence de ses proches.  Tres sensible, elle demeure proche des siens, a qui elle prodigue ses conseils bons ou mauvais.  Elle sait accueilir son monde avec une tasse de the, partager ses gateries :  un petit chocolat, le  pudding de gruau, de mais.  Le pauvre ne repart jamais les mains vides.

Chaque Mercredi, elle tient a ce que son fils vienne dejeuner.  Tot le matin, malgre son grand age, elle se leve pour preparer le meilleur plat pour ce fils qui vient de loin.  Ses preparatifs agacent les autres, qui ne jouissent  pas des memes faveurs.  "Le roi vient!." "Jugnauth vini!."disent   ils.  Le dessous de plat  avec son verre, la chopine de miranda, la chopine d'eu fraiche achetee a la boutique - pardon ! la serviette en papier, le chatini dans son bol, la pastille de menthe.  Enfin, tout pour lui prouver son affection.  Lui, il n'ose rien refuser, rien dire, meme si le plat a rate, car alors Manime n'est pas contente du tout.  Il faut tout le temps dire : "C'est bon!."..- elle est la meilleure, pas de contradiction sur ce point.

Souvent on entend ces reproches: "Regardez combien on m'aime  !,tout le monde m'aime bien, Je suis gatee !"  sous entendu :"Si vous ne m'aimez pas, il y a d'autres qui m'apprecient a ma juste valeur.  "  Manime ne voit plus le bien que ses proches lui font.  Toujours insatisfaite.

  "Ce n'estpas facile de faire le point, et  j'ai  été  fidele aux faits.

De nos jours, elle aurait pu prendre le dessus, faire une carriere.  Mais faut il que le grain meure pour qu'il puisse donner du fruit.  Sa fille fort active sur le cote social ,au service des plus pauvres,  avec une carriere reussie, premiere  femme  a etre decoree  'Chevalier de Malte ' a Maurice ,ayant recu aussi  d' autres decorations du Gouvernement de l'Ile Mauricen,   son  fils respecte lui aussi, la carriere resussie sur l' etablissement de Medine.

Sans elle, sans son erreur de jeunesse, aurais je pu rencontrer mon epoux.  Je n'aurais pu avoir mes quatres enfants qui sont ma fierte. Ma fille ainee aussi  tres active  aupres des jeunes

Chere Manime, j'ai gros au coeur quand j'ecris tout cela.  Je vois les choses beaucoup plus clair maintenant.  Si je pouvais, je mendierais:

 "Donnez lui un peu de bonheur,

Je vous en prie, un peu de  bonheur!

Du bonheur  !, avant qu'elle ne s'en aille.

Donnez lui ce bonheur qui lui a echappe."

Comme tout etre humain., elle a droit au bonheur.  Tous ses reproches, ce ne sont que des appels de detresse:

"Aimez moi je vous en prie, aimez moi, j'ai besoin d'amour, je meurs d'amour.  Aimez moi, comme je vous ai aimes, des le premier instant.  J'ai besoin de votre amour pour survivre au milieu de la nuit qui m'enveloppe,

Donnez moi un peu de votre temps.  Ne me laissez pas seule, aidez moi, je vous en prie.
J'existe, j'aime encore la vie. Je vous aime,
Je desire profiter encore un peu de la vie, avant de m'en aller pour toujours.

Du bonheur, je vous en prie !., un peu de bonheur sur cette terre, pour mourir heureuse, sans regret. "

14Sept 2007.

Aujourdhui, Manime decline rapidement.  Elle reconnait encore son monde, mais sourde, il lui est difficile de communiquer.  Quand elle nous voit venir, elle a un beu sourire, une parole gentille, puis le regard perdu, elle retourne a ses pensees.

Peut etre redoute elle inconsiciemment l'echeance proche et s'y prepare t elle.

Mais, parfois, soudain l'ancienne Manime se reveille et fait s'enfuir ses proches.

Nous l'entourons de tendresse, mais est ce suffisant pour guerir son ame et lui donner la paix dont

elle a tant besoin.

ARLETTE DARGA

SA BELLE FILLE

28Dec2012.

Manime  supporta avec courage  sa  maladie qui lui fit beaucoup souffrir. Avant son deces,  j' ai pu  lui  lui faire la lecture  de mon texte , Manime  en a ete fort emue, de grosses larmes  coulerent de ses yeux, mais elle ne disa mot .  Dans son coeur, elle avait tout balaye du passe, elle etait prete pour le grand depart  .

Elle demanda pardon a tous  et s'eteignit  doucement  dans la paix de son Dieu.

Chere Manime

Moi aussi Je desire m'excuser de toutes les paroles  que j'ai pu vous dire dans mes coleres.
Mais tout au fond , vous savez que je vous aime et ne vous oublierai jamais. Merci pour tous les petits bonheurs  et votre amour inconditionnel pour les miens.


ARLETTE DARGA

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Temoignage de Stephanie pour sa grand mere.

Il n'y a pas si longtemps, j'ai reve de toi. On allait ensemble a la boutique Pierre.  J'etais toute excitee de t'accompagner, mais helas ce n'etait qu'un reve.

Aussi loin que je m'en souvienne, Manime, tu as toujours aime nous faire plaisir en portant nos tasses d'ovaltine tot le matin au lit, et a la sortie d'ecole avec des petites douceurs, tels gateaux banane, chocolats et bonbons.  Mais ce que l'on appreciat plus, c'etait tes petits plats creoles, le bouillon bredes avec chips dont toi seul avais le secret.  C'etait notre joie de te voir la toujours souriante pour nous accueillir.

Je te revois a la table de cuisine, attendant ton petit whisky et tu causais !... Tu contais ta semaine, tes douleurs par ci- par la, et meme le temps de ta jeunesse a St Antoine.  Le soir, tu me faisais dormir, en me grattant le dos, et moi en echange, je devais te faire un manucure et un petit massage.  Ces moments precieux m'ont fait decouvrir combien tu etais chere a mon coeur, et m'ont fait t'aimer plus.

La vie ne t'a pas fait de cadeau.  Tres jeune, tu as du elever seule tes deux enfants et cela n'a pas du etre facile.  Toute ta vie  a ete faite sacrifices, tu as donne tant d'amour a tous les tiens, et pour chacun d'entre nous, tu as ete une Manime unique.

Manime, tu ne demandais rien pour toi, ce que l'on te donnait, te suffisait.  Toujours simple, sans maquillage, tu n'attachais aucune importance aux choses materielles.  Tu n'attendais que l'amour, l'affection et la presence de ceux que tu aimais.

J'ai toujours pense que si tu partais un jour, tout comme avec Pade, mon grand pere, je m'allongerai a tes cotes, et fixerai en mon coeur, chacune des rides de ton visage, que j'ai aime et qui m'a tant aimee, ce visage de femme, de mere qui a combattu, a souffert, sans avoir jamais connu le vrai amour qui aurait peut etre change ta vie.

Merci Manime d'avoir ete presente pendant toute mon enfance.  Merci pour tous les petits bonheurs dont tu nous as combles. Merci pour l'exemple que tu nous as  laisse,  celle d'une maman et d'une grandmere qui s'est battue jusqu'a son dernier souffle.

Je regrette tellement d'etre si loin de toi, surtout pendant ces dernieres annees qui ont ete si dures.  Je n'ai pu te rendre  toute cette affection que tu nous a  prodiguee, et cela me desole.  Je voudrais tellement avoir un dernier sourire de ma grandmere cherie, mais je me console en me disant que la ou tu vas, tu seras heureuse, loin de cette tristesse,ce desespoir qui rongeait ta vie.

Manime tu as ete une grand mere forte avec tes petites manies, tes petites coleres, mais aussi un grand humour. Sache que nous ne t'oublierons jamais et ton precieux souvenir restera toujours dans nos coeurs.

A present te voila avec les anges, loin de ce monde fou.  Mais j'ai toujours ce sentiment etrange, que tu es encore parmi nous.  Tu seras toujours avec nous.  Veille sur nous et protege nos familles, la ou tu te trouves.

je t'aime Manime

Ta petite fille Stephanie

Jean Yves te fait un clin d'oeil.