mercredi 17 avril 2013

A PADE (ELYSEE DARGA) publie dans le journal (POUR SES 100 ANS)



La premiere fois que je le rencontrais, il etait accroupi et reparait un banc "pan!pan!".
Il ne me vit meme pas, j'etais l'étrangère.  Pas un bonjour !, seul son meuble recalcitrant l'intéressait.  Il marmonnait tout bas, m'evitant de son regard.  Je l'observais longuement, et toute deconfite de son silence, je m'éloignais.

Pade, c'est un petit bonhomme brun, au visage triangulaire, strie de petits signes noirs et plisse comme du vieux cuir.  Ses oreilles larges ouvertes et tres hautes denotent l'intelligence.  Les yeux petits et percants comme des vrilles regardent ce qu'ils veulent bien voir.  Le nez large lui mange la figure.  Le menton est carre et volontaire, la bouche fine est un peu de travers a cause des dents qui lui manquent.  Chere silhouette que je me suis habituee a voir évoluer depuis.

Je t'ai aime des cet instant, Pade.

Vetu de ton vieux pull, ta chemise a carreaux, ta ceinture de toile tout de guingois sur ton vieux pantalon kaki, ton bonnet bleu tout delave sur ta tete, inconscient de ton aspect extérieur modeste, sobre et silencieux, tu etais tout heureux dans tes habitudes, et seul un evenement majeur pouvait te faire changer.

Tout l'interessait , Pade et tout lui réussissait :  les plantes devenaient belles de ses soins constants, les betes lui obeissaient a l'oeil et le bois prenait la forme voulue.

Petit a petit je cherchais a l'apprivoiser, mais sans succès.

Mais un jour, voila qu'au cours d'une querelle bénigne, le bonhomme s'appretait a partir pour un autre logis.  Comme je n'avais pas  d' enfant, je l'invitais a venir chez moi et tout ravi, il s'y installa.  Je lui parlai de son travail et Pade commenca a se passionner.  Il perdit son silence et il me raconta un peu de son enfance, son travail a St Antoine, l'estime de ses chefs, sa rencontre avec la belle de ses rêves sur le quai d'une gare.  J'avais gagne.  C'etait un amoureux de son travail.

Comme je travaillais, je n'avais point le temps de m'occuper des animaux, je  lui confiais le chien 'Nestor', le singe 'Vagabond', le canari et les poissons rouges. Pauvre canari!  Parfois la nourriture manquait et Pade marchait dans tout Quatre Bornes a la recherche de l'herbe blanche.  Quant au singe, il etait seul a pouvoir le commander et l'attacher.

Bien souvent , je me posais des questions sur mes pains de maisons tout creux, jusqu'au jour ou je l'entendis appeler  des moineaux.  Etonnee,  je regardais dehors, et j'en vis toute une horde qui picorait autour de lui.  Le chien habitue a  un tel spectacle, n'entrouvait qu'un oeil blase et se rendormait aussitôt.

Le jardin était son domaine, il y cultivait chouxchoux et giraumons et surveillait jalousement qui en cueillait.  Malheur a celui qui passait outre a sa permission.  le meilleur manioc y poussait ainsi que des plants de voheme qui osaient grandir jusqu'au seuil de la porte.

Et sa chambre quelle chambre !... Il n'avait qu'un lit et une vielle panetiere qui etait son oeuvre, et toute rongee qu'elle etait par les carias, il ne voulut jamais s'en debarrasser.  Il fit deux penderies en bois de caisse et de "hard board ",  les installa dans sa chambre.  Je les regardais bien longtemps d'un oeil circonspect.

Son unique tiroir, je le nettoyais tous les trois mois pour ne pas l'offenser,  Mais imaginez des graines de giraumon, de voehme, du papier sable, petits clous, papiers innommables, fils de cuivres, vieux vis.  Le tout voisinant dans un désordre indescriptible.

Dessus la panetiere, c'etait la meme chose, l'eternel bicarbonate de soude dans son petit verre, fioles au contenu douteux et l'eau de 'maman Marie' qui lui servait pour toutes ses petites douleurs.  Et je me rappelle avec humour un jour ou ma fille malade de diahree en a ingurgite, je priais alors avec foi qu'il ne lui arrive rien, car l'eau restait parfois trois mois dans la fiole.

Cher Pade, comme tu nous as ete utile!... un clou a enfoncer, des chaussures qui font mal, le lavabo bouche, le cabinet de toilette qui déborde, la chaise a réparer, le robinet qui fuit, l'os dans le gosier du chien, c'était Pade, toujours efficient, toujours pret a rendre service.

 


Le temps avait passe, et j'eus l'impression que Pade avait traverse une longue nuit surtout depuis la mort de sa femme.

Et sa vraie résurrection, ce fut a la naissance de ma premiere fille.  Le bonhomme changea du jour au lendemain.  Il  prit grand soin de sa toilette, surveilla ses vêtements.  Lui qui passait ses journees a papoter.  Il ne quitta plus la maison.  Le jour le bebe dormait dans son lit, il le contemplait, le changeait,  lui donnait le biberon,

A longueur de journée, il chassait les mouches avec un journal plie, il la parfumait et poudrait plusieurs fois par jour a notre anxiété.

L'enfant et lui devinrent de grands amis, ils avaient le meme age et parlaient le meme langage.  Pade guida  ses premiers pas, inventa toutes sortes de jouets, petits moulins a vent, petits bateaux en papier, vieux cartons colores attaches a des bouts de ficelle que ma fille trainait avec délice dans toute la maison.  Tous les petits bouts de bois, papiers a image, il les collectionnait, il ne jetait plus rien.  Si je perdais quelque chose, j'etais sure de le retrouver dans la caisse a jouets.

Pade fignola un petit banc, et ma fille s'installa dans sa chambre et en fit son domaine.  Il fallait les entendre rire, s'interpellant l'un et l'autre, se racontant des histoires a n'en plus finir.

Sa vue baissant, ce fut ma fille qui lui montra l'endroit, ou se cachaient bonbons et twisties,.
et ce fut pour elle, qu'il consentit a se séparer de ses vieilles cartes, de ses vieux trésors, parmi lesquels le sac a main de sa femme qu'il gardait jalousement.  Elle a son tour, le decida  a acheter un nouveau couvre-chef et avoir plus de coquetterie.

L'enfant grandissait.  Chaque matin,il la conduisait jusqu'au bout du chemin et guettait son arrivée.  Les biscuits et twisties etaient deja la, la petite piaillait et le bonhomme disait :  "Cest bien, c'est bien !. "  J'ecoutais avec bonheur et humour ces echanges et je remerciais le ciel que ma fille puisse avoir un tel aïeul.

Les années passèrent, l'enfant devint jeune fille.  Pade devint plus sourd et la conversation devint plus difficile entre eux.  Pade somnole de plus en plus dans son fauteuil, il veut partager encore les plaisirs des enfants, mais peut etre ce sont eux qui ont change ou bien c'est Pade qui est devenu trop vieux.

Il les tient en haleine parfois avec un histoire du temps margose , mais le temps fait son oeuvre.
Repose toi, Pade, tu l'as bien mérite,  Somnole dans tonfauteuil en attendant l'heure de la becquée de tes moineaux.

Devenu dur d'oreille, Pade se retire de plus en plus et a plus de mal a communiquer, mais les enfants l'entourent toujours et font sa joie.

ARLETTE DARGA

P.S. Pade s'en est alle un jour, sans bruit, a l'age de 102 ans. Nous le regrettons  beaucoup  et  
son absence se fait  toujours  sentir.


Merci, Pade, pour ton amour fidèle  pour tous les  miens . Merci pour tous les petits bonheurs
tels ces  graines que  tu aimais garder, que tu as semes dans nos vies. Nous ne pourrons jamais te le rendre, mais ton souvenir restera toujours grave dans nos coeurs.  Nous ne t'oublierons jamais.



ARLETTE DARGA


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2 commentaires:

  1. A notre cher Padede, tu resteras toujours dans nos coeurs,Ce texte enchanteras les lecteurs j'en suis sure

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  2. Padede, tu es cheri des notres et tu merites qu'on te connaisse. Une belle pensee pour un grandpere unique

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